Prématurité : quels conseils pour la grossesse suivante ?
A. GONZALVES, P.-E. BOUET, P. JEANNETEAU, V. COURTAY, C. DREUX, F. BIQUARD, P. GILLARD, L. SENTILHES, Pôle de gynécologie-obstétrique, CHU d’Angers
Le compte rendu d’hospitalisation et la consultation dans le post-partum sont deux éléments clés pour la prochaine grossesse. En ce qui a trait aux antécédents de retard de croissance intra-utérin et/ou de prééclampsie, le suivi précoce a toute son importance. Une prophylaxie par aspirine dès le début de la grossesse est préconisée à une dose de 75 à 160 mg/j. Un bilan auto-immun et de thrombophilie sera réalisé dans le post-partum en cas de retard de croissance intra-utérin et de prééclampsie sévère et/ou précoce. Concernant la prématurité spontanée, il faudra penser au dépistage mensuel de la vaginose bactérienne et à la prophylaxie par progestérone, et discuter de l’intérêt d’un cerclage.
Une nouvelle grossesse après un accouchement prématuré est souvent une situation anxiogène pour la femme enceinte mais aussi pour son gynécologue. En effet, un antécédent d’accouchement prématuré est un facteur prédictif important de récidive pour une prochaine grossesse. Cette grossesse devrait donc être anticipée et préparée ! La pratique nous montre que malheureusement, dans un nombre important de cas, la patiente ne consulte que tardivement dans le cadre d’une récidive de menace d’accouchement prématuré, où l’heure n’est plus à la prévention. Plusieurs difficultés peuvent être rencontrées. D’une part, il existe de très nombreux intervenants : patientes transférées in utero avec une prise en charge dans plusieurs maternités, suivi avant l’accouchement par un gynécologue médical, par le médecin traitant ou par une sage-femme libérale, suivi à la maternité et prise en charge de l’accouchement effectuée par des sages-femmes ou des gynécologues différents. Par ailleurs, le dossier est souvent fragmenté entre plusieurs services, parfois mal tenu, incomplet, avec des résultats provenant de différents laboratoires (bactériologie, virologie, anatomo-pathologie) qui ne sont souvent adressés qu’au seul prescripteur. Le gynécologue qui effectue la consultation postnatale n’est pas toujours celui qui a pris en charge l’accouchement prématuré, et souvent n’est pas en possession de l’ensemble du dossier. Deux éléments sont donc capitaux et conditionnent la bonne prise en charge future de ces patientes : le compte rendu d’hospitalisation et la visite postnatale. Le compte rendu d’hospitalisation C’est un élément capital du dossier, sa rédaction doit être systématique et particulièrement soignée. Il doit être très détaillé, être adressé à tous les correspondants et comporter les points suivants : – l’histoire clinique initiale volontairement détaillée afin que les correspondants puissent se faire leur propre idée de l’étiologie de la prématurité ; – la prise en charge réalisée ; – l’évolution au cours de l’hospitalisation et les événements éventuels ayant conduit à une prématurité ; – les examens réalisés en cours d’hospitalisation et leurs résultats ; – le bilan prescrit en externe et les rendez-vous prévus en post-partum. La consultation du post-partum La consultation du post-partum ou visite postnatale est le moment clé pour la grossesse ultérieure. Malheureusement, de nombreuses patientes ne viennent pas à cette consultation, même lorsque le rendez-vous a été programmé durant l’hospitalisation et avant le retour à domicile. Afin d’inciter les patientes à se présenter à la visite postnatale, il convient de leur expliquer l’importance de cette consultation avant la sortie de la maternité : la visite postnatale permet à l’obstétricien de récupérer les résultats des examens complémentaires, de réaliser l’examen clinique à distance de l’accouchement (test à la bougie), d’exposer à la patiente l’étiologie la plus probable (si une étiologie prédomine) à l’origine de l’accouchement prématuré et, enfin, de proposer d’éventuels traitements préventifs pour une grossesse ultérieure (aspirine, progestérone, cerclage). Si la patiente ne se présente pas à la consultation, il faudra la contacter et lui proposer un second rendez-vous. C’est une consultation qui peut parfois être longue. Consultation du post-partum – Récupérer le compte rendu d’hospitalisation et les résultats des examens pré- et postnataux. – Émettre une hypothèse sur l’étiologie de la prématurité. – Donner une conduite à tenir pour une grossesse ultérieure. – Rédiger un courrier de synthèse à adresser à tous les correspondants. Prématurité induite/prématurité spontanée Bien évidemment, les conseils à donner diffèrent en fonction de la cause de la prématurité. La prématurité induite est principalement liée à des complications vasculaires – retard de croissance intra-utérin (RCIU), prééclampsie (PE), hématome rétroplacentaire (HRP)–, aux complications hémorragiques des placentas prævia, etc. Bilan étiologique d’un RCIU On devra tout d’abord s’attacher à rechercher l’étiologie du RCIU en récupérant le bilan réalisé en pré- et postnatal : bilan infectieux, morphologique, caryotype/bilan génétique, recherche de prise de toxiques (tabac, alcool, etc.), récupérer l’examen anatomopa-thologique du placenta, rechercher une précarité, malnutrition, et le devenir postnatal, etc. Souvent, le bilan étiologique est négatif – à condition de l’avoir fait – et on considère le RCIU idiopathique comme vasculaire, mais il faudra tenir compte de l’importance du terrain et des facteurs de risque de la patiente pour orienter vers cette origine vasculaire. Pour les RCIU non vasculaires, les conseils sont à adapter en fonction de l’étiologie. Conseils en cas de PE précoce et sévère et/ou de RCIU vasculaire Définition (1) La PE sévère est définie par la présence d’au moins l’un des critères suivants : – hypertension sévère (PAS > 160 mm Hg et/ou PAD > 110 mm Hg) ; – atteinte rénale avec oligurie (500 ml/24 h), ou créatinine> 135 µmol/l, ou protéinurie > 5 g/j ; – œdème aigu pulmonaire ou barre épigastrique persistante ou HELLP syndrome; – éclampsie ou troubles neurologiques rebelles (troubles visuels, ROT polycinétiques, céphalées) ; – thrombopénie 100 G/l ; – hématome rétroplacentaire ou retentissement fœtal. On considère la PE comme précoce quand elle survient avant 32 SA. Bilan dans le post-partum Selon les recommandations de la SFAR de 2009 (1) sur la PE, on réalisera le bilan suivant à 3 mois en cas de PE précoce ou sévère. • Un bilan auto-immun et une recherche de syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL). Celui-ci a un intérêt pour la mère (dépistage d’une maladie auto-immune et surveillance de complications éventuelles, mise en place d’un suivi spécialisé et d’un traitement spécifique, etc.) et pour la future grossesse (prévention de la récidive par HBPM en cas de SAPL, risque de bloc atrioventriculaire chez le fœtus en cas d’anticorps anti-SSA ou SSB positif, etc.). • Un bilan de thrombophilie est très souvent réalisé systématiquement, mais la SFAR le recommande seulement en cas d’antécédents personnels ou familiaux de maladie veineuse thromboembolique, de PE précoce, d’association à un RCIU sévère, à un HRP ou à une mort fœtale in utero. Celui-ci a un intérêt possible pour la mère (prévention des complications thromboemboliques veineuses dans le post-partum et la grossesse en cas de thrombophilie), mais son intérêt est de plus en plus décrié dans la littérature (2), car il semble très limité pour l’enfant : en cas de thrombophilie, la prise en charge de la grossesse suivante pour diminuer la morbidité fœtale ne sera pas modifiée, c’est-à-dire que seuls les antiagrégants plaquettaires seront prescrits. • Un bilan clinique et biologique (pression artérielle, numération sanguine, bilan hépatique, ionogramme sanguin et protéinurie des 24 h). Il est préconisé de prendre un avis néphrologique en cas de persistance de la protéinurie ou de l’HTA à 3 mois. Un suivi spécialisé précoce (avant 14 SA) est recommandé pour les grossesses ultérieures, chez toute femme aux antécédents de PE précoce. Il est recommandé de surveiller l’ensemble des facteurs de risque cardiovasculaire, rénal et métabolique au long cours après une PE sévère. Bilan biologique à 3 mois en cas de PE sévère ou précoce : – Anticorps antinucléaires. – Recherche de SAPL avec anticorps anticardiolipines, anticoagulant circulant lupique et anti-bêta 2 glycoprotéine 1. – Bilan de thrombophilie : déficit en antithrombine III, mutation protéines C et S, mutation facteur V Leiden, mutation facteur II 20210G A, homocystéinémie. – NFS plaquettes, bilan hépatique, ionogramme sanguin et créatinémie. – Protéinurie des 24 h. Règles hygiéno-diététiques et place de la prophylaxie Pour la prévention du RCIU, il faut insister sur l’importance de l’arrêt du tabac mais aussi sur la prévention de la surcharge pondérale, l’importance de maîtriser la prise de poids pendant la grossesse et de la perte de poids entre deux grossesses par une alimentation équilibrée. La supplémentation calcique à dose de 1,5 g/jour a montré son intérêt en cas de carence avérée (1). Il n’a pas été montré d’efficacité de réaliser à titre systématique un repos, ou un arrêt de travail, ou une supplémentation par anti - oxydants (vitamines C et E). • La prophylaxie par aspirine La prophylaxie par aspirine à la dose de ti5 à 160 mg/jour (en pratique, nous utilisons la dose de 100 mg) a prouvé son efficacité (3) en réduisant d’environ 10 % le risque de récidive de PE, de RCIU et de prématurité. La prophylaxie doit être débutée le plus tôt possible, dès le diagnostic de grossesse connu. Il n’y a pas d’intérêt à l’introduire après 16-18 SA (3). • La prophylaxie par héparine de bas poids moléculaire (HBPM) La réalisation systématique d’une anticoagulation préventive par HBPM n’a pas montré son efficacité dans la prévention de la PE (1). Les HBPM ont clairement leur place en cas de SAPL clinique ou biologique, à dose curative en cas d’antécédents personnels de thrombose, à dose préventive en l’absence d’antécédents de thrombose (4). Cependant, leur indication peut être discutée en présence d’un RCIU particulière- ment sévère et précoce avec un bilan étiologique négatif. Prise en charge de la nouvelle grossesse En cas d’antécédents de PE, les recommandations de la SFAR en 2009 sont les suivantes : si le déroulement actuel de la grossesse est normal, il est possible que le suivi soit effectué par les professionnels de proximité sous couvert d’une consultation préalable du gynécologue-obstétricien, idéalement pré-conceptionnelle, donnant lieu à des recommandations écrites pour le suivi de la femme. À titre personnel, nous pensons qu’il est important que la patiente ait une consultation avec un gynécologue-obstétricien au 1 er trimestre. Prise en charge de la nouvelle grossesse après RCIU et/ou PE : – Suivi précoce par un gynécologue. – Aspirine 100 mg dès le diagnostic de
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