



Publié le
Lecture 15 mins
Méthodes et indications de l’induction de la parturition
Diane KORB, Service de gynécologie obstétrique, hôpital Robert-Debré, université de Paris

La parturition est l’ensemble des phénomènes dynamiques et mécaniques qui conduisent à l’expulsion spontanée et à terme du fœtus hors de l’utérus. La parturition humaine est définie cliniquement par ces trois événements caractéristiques du travail obstétrical : la contraction du myomètre, la maturation du col, c’est-à-dire sa dilatation et son effacement, la rupture des membranes fœtales.
Le déterminisme de la parturition reste très mal compris chez l’espèce humaine. Plusieurs phénomènes interagissent probablement : des modifications du col et du corps utérin, la sécrétion d’ocytocine maternelle, l’augmentation de la concentration de certains phospholipides précurseurs de la synthèse de prostaglandine notamment. Le déclenchement du travail correspond à toute intervention médicale visant à provoquer la naissance en induisant de manière artificielle des contractions utérines afin d’entraîner l’effacement et la dilatation du col utérin. D’après les données de l’enquête nationale périnatale de 2016, 22 % des accouchements en France sont déclenchés, ce qui concerne environ 175 000 femmes par an. Ce taux est stable depuis les années 1990, après avoir été multiplié par 2 entre 1970 et 1990. Il est globalement comparable à celui des autres pays industrialisés et en particulier des autres pays européens. Méthodes d’induction de la parturition Afin de décider du moyen utilisé pour réaliser l’induction de la parturition, il faut prendre en compte plusieurs éléments. Tout d’abord, les conditions obstétricales et principalement les caractéristiques du col utérin. On considère qu’un col est favorable lorsque le taux de voies basses attendu par déclenchement est comparable à celui faisant suite à un travail spontané. On définit au mieux le statut d’un col utérin à l’aide de l’examen clinique et en particulier du score de Bishop obtenu par toucher vaginal. Les éléments pris en compte dans le score de Bishop sont : la dilatation du col ; son effacement ; sa consistance ; sa position ; ainsi que la position du fœtus par rapport aux épines sciatiques. À l'origine, ce score a été décrit pour les multipares, pour présenter la probabilité d’une mise en travail spontanée et non pas pour évaluer les conditions locales à un déclenchement des nullipares, ce qui remet en cause sa fiabilité dans le déclenchement. Il faut aussi tenir compte : de la parité, des antécédents, du caractère cicatriciel ou non de l’utérus, de la présentation fœtale, de l’indication du déclenchement, du délai acceptable entre le déclenchement et l’accouchement. En cas de col favorable, on s’orientera vers un déclenchement ; en cas de col jugé défavorable, vers une maturation cervicale. D’après les données de l’enquête nationale périnatale de 2016, en cas de déclenchement du travail, il s’agissait dans 38 % des cas d’un déclenchement à proprement parler et dans près 62 % d’une maturation cervicale. En cas de col favorable En cas de déclenchement sur col favorable, deux options sont possibles : soit la rupture des membranes, si les membranes sont intactes ; soit la perfusion d’ocytocine. La rupture des membranes a un double effet : un effet mécanique en améliorant le contact entre le col et la présentation fœtale ; un effet pharmacologique par libération de prostaglandines. Le risque essentiel de la rupture des membranes est la survenue d’une procidence du cordon, qui doit donc être évaluée avant la rupture en estimant la hauteur de la présentation et un éventuel procubitus. Une procidence doit être recherchée au toucher vaginal immédiatement après la rupture. L’ocytocine est efficace par un mécanisme double. Elle entraîne des contractions myométriales grâce aux récepteurs à l’ocytocine présents dans le myomètre et elle agit sur les récepteurs déciduaux en provoquant la sécrétion endogène de prostaglandines qui accentuent la maturation cervicale et les contractions utérines. Il est recommandé d’administrer l’ocytocine à l’aide d’une perfusion électrique avec une valve antireflux afin de limiter les erreurs d’administration. Il est également recommandé d’utiliser des protocoles de perfusion d’ocytocine dans chaque service, de spécifier les doses administrées, de commencer à de faibles doses et d’augmenter progressivement par paliers de 20 à 30 minutes jusqu’à l’obtention d’une dynamique utérine satisfaisante en intensité et en fréquence. Les doses peuvent être diminuées ou arrêtées une fois la dynamique régulière obtenue. Il est difficile de recommander une modalité de déclenchement plutôt qu’une autre : que ce soit l’ocytocine seule, l’amniotomie ou l’amniotomie associée à l’ocytocine, du fait des limites importantes des études les ayant comparées. En effet, celles-ci sont anciennes, ont de faibles effectifs, et incluaient des protocoles de déclenchement très variables. De plus, les critères de jugement sont eux aussi très fluctuants. En cas de col défavorable En cas de col défavorable, deux moyens de préparation cervicale sont possibles : des moyens médicamenteux avec l’utilisation de prostaglandines ; des moyens mécaniques avec l’utilisation de ballons. L’efficacité des prostaglandines s’explique par des modifications cervicales induites, c’est-à-dire un remodelage du collagène et des modifications de la matrice extracellulaire, ainsi que par l’activation directe des fibres musculaires lisses du myomètre. Les moyens mécaniques induits par l’utilisation de ballons sont efficaces par : un raccourcissement cervical, un décollement des membranes, l’amplification du segment inférieur. De plus, ils induisent la sécrétion de prostaglandines endogènes et de médiateurs biochimiques, qui potentialisent la réponse naturelle aux prostaglandines et à l’ocytocine. Moyens médicamenteux Prostaglandines E2 Il existe différentes galéniques, mais, dans tous les cas, il s’agit de dinoprostone, une molécule instable à température ambiante et nécessitant d’être conservée au frais. Elle peut être administrée par voie vaginale, soit sous forme de gel de 1 ou 2 mg à appliquer dans le cul-de-sac vaginal postérieur toutes les 4 à 6 heures, soit sous forme d’un système de diffusion vaginal placé dans le cul-de-sac vaginal postérieur et libérant du dinoprostone à un débit constant. Le dispositif vaginal présente l’avantage de pouvoir être retiré facilement en cas de complications, comme lors de la survenue d’une hypertonie utérine. Enfin, il existe un gel intracervical qui est contenu dans une seringue accompagnée d’un cathéter permettant une administration en intracervical stricte. La forme intraveineuse n’est plus commercialisée en France. Prostaglandines E1 Il s’agit d’un analogue synthétique de la prostaglandine E2 utilisé pour le traitement de l’ulcère gastrique ou duodénal évolutif. Son mécanisme d’action est comparable à celui des prostaglandines E2. Il présente l’avantage d’être stable à température ambiante et non onéreux. En France, il n’avait jusqu’à récemment pas l’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le déclenchement du travail. Il existe diverses voies d’administration : orale, buccale, sublinguale, vaginale, rectale. De plus, différents dosages sont utilisés. Actuellement la molécule ayant l’AMM en France dans le déclenchement est Angusta ®. Moyens mécaniques Deux types de ballonnets sont utilisés : la sonde à double ballonnet, qui est la seule technique mécanique ayant l’AMM dans le déclenchement en France, ou la sonde de Follet. Le volume de remplissage du ballonnet varie entre 30 et 80 ml et ne semble pas avoir d’influence sur le taux de césariennes. Les échecs de pose sont rares, même en cas de col fermé. De multiples études ont comparé les différents agents entre eux, les différentes galéniques, les différents dosages et protocoles. Elles présentent de nombreuses limites : hétérogénéité des protocoles, des indications, faibles effectifs, et des critères de jugement variables. À ce jour, aucun agent n’a fait la preuve de sa supériorité sur les autres. Autres Par ailleurs, différentes méthodes de déclenchement ont été décrites : les donneurs de monoxyde d’azote (NO), qui n’ont pas montré leur efficacité dans un essai contrôlé randomisé ; le décollement des membranes à terme, qui ne semble pas apporter de bénéfice clinique et qui est associé à des douleurs et à des saignements ; concernant l’homéopathie, la littérature n’a encore rien démontré. Il en est de même pour l’acupuncture, pour laquelle aucune étude randomisée de puissance suffisante n’a permis de conclure à son efficacité. Les autres méthodes, que ce soient les rapports sexuels, la stimulation mamelonnaire ou l’huile de castor n’ont pas non plus fait preuve de leur efficacité. Pratiques en France Afin de connaître les pratiques d’induction de la parturition en France, l’étude MEDIP (tableau 1 et 2) (1) avait pour objectif d’évaluer la fréquence d’utilisation des différents moyens de déclenchement selon l’état du col ainsi que les indications de déclenchement. Il s’agissait d’une étude prospective observationnelle menée en population au sein de sept réseaux de soins périnataux réalisant 1/6 des accouchements : réseau Sud parisien, réseau Périnat des Hauts-de-Seine, réseau MYPA dans les Yvelines, réseau Ombrelle à Lille et dans sa région, réseau Aurore en Rhône-Alpes, réseau Naître en Alsace et réseau Basse-Normandie. L’étude a eu lieu durant 1 mois entre novembre et décembre 2015 et a inclus tous les déclenchements du travail avec un fœtus vivant, en excluant les morts fœtales in utero et les interruptions médicales de grossesse. L’étude comportait un questionnaire individuel recueillant les données de chaque femme incluse ayant eu un déclenchement, ainsi que des questionnaires sur les maternités concernant les pratiques de déclenchement, à compléter par les responsables des salles de travail. Au total 94 maternités françaises ont participé à l’étude. Elles étaient représentatives des autres maternités françaises. Les agents maturants les plus fréquemment utilisés étaient le dinoprostone sous forme de dispositif vaginal à libération prolongée utilisé dans presque 93 % des maternités et
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :
Articles sur le même thème
Pagination
- Page précédente
- Page 2
- Page suivante