Le dépistage néonatal précoce : cahier des charges du programme de santé national
Christine Morin, Bordeaux
Cet article constitue le 3e volet du programme national du dépistage néonatal, exposé dans sage-femme pratique. Il précise les bonnes pratiques obligatoires ou recommandées en matière d’information et de recueil de consentement des parents dans le cadre du dépistage néonatal précoce. Ces bonnes pratiques sont celles exposées dans l’arrêté du 22 février 2018[1] qui a défini l’organisation du programme de dépistage et abrogé l’arrêté́ du 22 janvier 2010 fixant la liste des maladies donnant lieu à un dépistage néonatal. [1] Arrêté́ du 22 février 2018 relatif à l’organisation du programme national de dépistage néonatal recourant à des examens de biologie médicale
Information et consentement des parents En 2008, la Haute Autorité de santé a été chargée d’évaluer la pertinence de l’extension du dépistage néonatal aux erreurs innées métaboliques (EIM) par la technique de spectrométrie de masse en tandem (MS/MS). Celle-ci a été réalisée en 2 volets. Le premier a concerné le déficit en MCAD. Le deuxième concerne 7 autres EIM. Ces nouvelles maladies erreurs innés du métabolisme dont la prévalence est faible, de 1/10 000 à 1/1 000 000, seront prochainement intégrées au test de Dépistage néonatal précoce. Elles s’ajouteront aux 5 maladies déjà recherchées (phénylcétonurie, hypothyroïdie congénitale, hyperplasie congénitale des surrénales, électrophorèse de l’hémoglobine, mucoviscidose) et à la MCAD. Ces maladies se manifestent cliniquement le plus souvent par des symptômes non spécifiques. Les cas les plus graves peuvent mener au décès dans les premières semaines de vie. Dans d’autres cas, elles se manifestent par une décompensation métabolique pouvant entraîner des séquelles irréversibles (déficit intellectuel, troubles neurologiques, retard de croissance). L’élargissement du dépistage à de nouvelles maladies risque d’augmenter la difficulté́ de transmettre efficacement une information complexe à toutes les familles dont les enfants seront dépistés, sous contrainte d’un temps limité disponible pour la dispenser. Aussi, la HAS recommande que la proposition du dépistage néonatal soit accompagnée d’une formation en tant que de besoin auprès de l’ensemble des professionnels de santé impliqués dans le DNN, en coopération avec les réseaux de santé en périnatalité. Une fiche d’information « J3 l'âge du dépistage » reprend l’essentiel du message à délivrer au parents. Cette fiche porte tant sur les aspects relationnels, en particulier sur la délivrance de l’information et le consentement que sur les aspects techniques. L’information Les professionnels de santé (sage-femme, médecin) ont l'obligation d'informer les parents du programme de DNN. L'information est d'abord orale et se fait par la remise, obligatoirement avant le prélèvement, d’un dépliant d'information, réalisé au niveau national et fourni par le Centre régional de dépistage néonatal CRDN. Le but est d'expliquer les caractéristiques de la maladie recherchée, des moyens de la détecter, du degré de fiabilité des analyses ainsi que des possibilités de prévention et de traitement. L’information portera également sur les modalités de transmission génétique de la maladie recherchée et de ses possibles conséquences chez d'autres membres de la famille de l’enfant. Selon la HAS, l’idéal est que la femme ait reçu l’information sur le DNN, avant l’accouchement, lors d'une consultation prénatale du 3 e trimestre. En effet, les jours suivant la naissance ne constituent pas le meilleur moment pour fournir l’information aux parents sur la réalisation d’examens biologiques recommandés pour le dépistage de maladies rares à partir d’une goutte de sang. Il conviendrait de la délivrer pendant les derniers mois de grossesse, afin d’éviter les refus d’une part et de diminuer l’anxiété au moment d’un éventuel rappel sur le dépistage néonatal dont ils n’auraient jamais entendu parler auparavant, d’autre part. Le matériel d'information destiné aux parents, document établi à l'échelon national, est mis à disposition des personnels qui informent ou réalisent le prélèvement (République Française, 2018). L’arrêté de 2018 précise que les Centres régionaux de dépistage néonatal (CRDN) mettent à disposition des personnels qui réalisent le prélèvement, le buvard support de prélèvement et l'enveloppe T d'envoi du buvard (le modèle de buvard est établi à l'échelon national) Le consentement Le dépistage néonatal n’est pas obligatoire mais fortement conseillé, raison pour laquelle près de 100 % des nouveau-nés dont dépistés en France chaque année (278 refus de dépistage sur 728 341 naissances en 2017). Le consentement est en revanche obligatoire. L’accord verbal des parents suffit pour l’étude des marqueurs biologiques. En revanche la signature d’un des parents est obligatoire pour toute recherche sur les gènes, c’est-à-dire uniquement pour le dépistage de la mucoviscidose car les autres maladies recherchées, même si ce sont des maladies génétiques, sont dépistées grâce au dosage d’acides aminés. Comme son nom l’indique, le dépistage néonatal précoce est donc un examen de dépistage et non un examen diagnostic. En cas de positivité, l’enfant est hospitalisé et des examens de confirmation avec analyse génétique seront alors réalisés (nécessitant alors le consentement d’un des parents). Le refus du DNN La nouveauté concernant le DNN est qu’en l’absence de consentement, les parents devront signer un formulaire de refus. Ce dernier est mis à la disposition des personnels qui réalisent le prélèvement (République Française, 2018). Le refus de DNN doit conduire à renseigner et transmettre systématiquement au CRDN un buvard de prélèvement sans prélèvement sanguin (« buvard blanc »). Cela sera également inscrit dans le carnet de santé du nouveau-né remis au parent. Le CRDN est chargé d’archiver les formulaires de refus, de les recenser et de transmettre leur nombre à l'ARS et au niveau national. La demande de l’examen de DNN Dans le cas du DNN, le buvard est considéré comme la feuille de demande d'examens de biologie médicale. Le buvard est composé d'une partie comprenant des informations démographiques, des éléments cliniques pertinents et la signature des parents pour autoriser les éventuels examens de biologie médicale de génétique nécessaires au DNN. L'autre partie est le support du prélèvement sanguin du nouveau-né. L'identification du buvard respecte les mentions prévues à l'article D. 6211-2 du CSP. Les mentions figurant sur le buvard sont au moins les suivantes : nom de naissance ; prénom ; date de naissance et heure de naissance ; sexe ; terme et poids de naissance ; date et heure de prélèvement ; lieu d'accouchement (et code de la maternité si l’accouchement a lieu en maternité); lieu de prélèvement autre que maternité et code ; numéro d'accouchement (si l’accouchement a lieu en maternité); grossesse multiple et rang de naissance ; nom de naissance de la mère ; adresse des parents ; téléphone des parents, adresse électronique ; coordonnées du médecin traitant ; consentement des parents pour la réalisation d'examens de biologie médicale de génétique, si justifié ; identification du préleveur ; renseignements cliniques utiles si besoin. Des mentions concernant d'autres dépistages, notamment le dépistage de la surdité permanente néonatale peuvent figurer sur le buvard. Aspects techniques du dépistage Aspect organisationnel pour les préleveurs, le prélèvement Le sang doit être prélevé́ entre 48 et 72 h de vie ( ni plus tôt, ni plus tard), au mieux 72 heures après la naissance. Un prélèvement à partir de 48 heures de vie est suffisant pour déceler une phénylcétonurie sévère et une hypothyroïdie. L’hyperplasie congénitale des surrénales sévère peut décompenser entre le 10 e et le 11 e jour de vie, or au délai de réalisation du prélèvement il faut ajouter un délai d’acheminement et de réception des cartons buvards. Au-delà de 5 jours, le test de dépistage est considéré non conforme. La méthode de prélèvement La ponction au talon sur les nouveau-nés constitue la méthode de prélèvement sanguin traditionnelle du dépistage néonatal. Pour certains enfants le sang est prélevé à partir de ponctions veineuses. Il n’y a pas de supériorité de l’une ou l’autre des techniques de prélèvement (capillaire ou en périphérique) car il n’y a aucun impact significatif sur le plan biologique. En revanche il peut s’agir de procédures douloureuses sans méthode optimale avérée de soulagement de la douleur. La différence de douleur entre la ponction au talon et la ponction veineuse a été rapportée chez le nouveau-né à terme en 2011 par Shah et al. dans une méta-analyse de la Cochrane Database [1]. En l’absence de moyen analgésique, les auteurs ont montré que la ponction veineuse était moins douloureuse que la ponction au talon. L’administration d’une solution sucrée au bébé avant la ponction avait davantage atténué la douleur. Les études incluses dans la méta-analyse incluaient les mesures des résultats utilisant des échelles de douleur, la durée des pleurs du bébé et l’évaluation par la mère de la douleur de son bébé. Il est donc recommandé que le test de dépistage soit toujours réalisé en utilisant un moyen analgésique (solution sucrée au moins une minute avant le geste et une succion de l’enfant (tétine ou sein) pendant le geste [2]. Dans les 2 types de prélèvement, celui-ci doit respecter scrupuleusement les consignes du bon remplissage du papier buvard. Le respect de ces consignes permettra de continuer de réaliser le DNN chez certains enfants par prélèvement veineux avec potentiellement moins de douleur et une aussi bonne qualité du dépistage. [1] Shah VS, Ohlsson A. Venepuncture versus heel lance for blood sampling in term neonates. Cochrane Database of Systematic Reviews 2011, Issue 10. Art. No.: CD001452. DOI: 10.1002/14651858.CD001452.pub4. Résumé en français ici [2] Carbajal et al. Douleur du nouveau-né́ et test de Guthrie. Archives de Pédiatrie 2016 ; 23 : 229-31. Le prélèvement en cas de sortie précoce ou d’une naissance en dehors d’un établissement de santé Pour tout nouveau-né quittant une maternité précocement et pour lequel on n'aura pas eu le temps de faire le buvard, il convient de remplir le buvard avec le numéro d'accouchement, les noms/prénom de l'enfant, les coordonnées de la famille et le nom de la sage-femme qui fera le prélèvement à domicile La plupart du temps, dans cette situation, la mère sort avec le buvard pré-rempli + l’enveloppe T, la fiche d’information « J3 l'âge du dépistage ». Une fois rempli, le carton blanc est adressé au laboratoire régional. Le prélèvement en cas d’accouchement prématuré En cas de prématuré, surtout avant 32 SA, il existe de faux
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