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Les estrogènes en contraception : Pourquoi ? Lesquels ? Dans quel schéma ?
Michèle DEKER, Paris

Nous disposons aujourd’hui d’un large choix de contraceptifs hormonaux, avec des associations estroprogestatives et des contraceptions progestatives, par voie orale ou extra-orale. Certes, l’action contraceptive repose sur le progestatif qui peut être utilisé seul, sans ajout d'un estrogène. Alors pourquoi est-il intéressant d'adjoindre un estrogène ? Quels sont les avantages offerts par les estrogènes naturels ? Quels bénéfices attendre des schémas contraceptifs prolongés ?
Le progestatif exerce son action contraceptive à trois niveaux : au niveau cervical, en épaississant le mucus, ce qui gêne le transport et la capacitation des spermatozoïdes ; au niveau endométrial, par un effet antiprolifératif qui désynchronise la fenêtre d’implantation ; au niveau central, par un effet antigonadotrope dose-dépendant : inhibition du pic de LH à faible dose, inhibition de la croissance folliculaire et du pic de LH à forte dose. Les contraceptions progestatives sont efficaces mais pas toujours bien tolérées, en particulier les microprogestatifs. En effet, 10 à 15 % des utilisatrices vont présenter des signes d’hyperestrogénie relative, à type de syndrome prémenstruel. Ce phénomène est lié à l’action anti-ovulatoire du progestatif qui écrête le pic préovulatoire de LH, sans modifier la sécrétion de FSH ; le processus de croissance folliculaire cyclique se poursuit, induisant le recrutement de structures macro-folliculaires estrogéno-sécrétantes. Outre les symptômes prémenstruels, les progestatifs purs posent un problème de tolérance endométriale. Des métrorragies d’abondance variable sont observées chez 30 à 40 % des utilisatrices de microprogestatifs et 10 à 20 % des utilisatrices de macroprogestatifs injectables. Les progestatifs entrainent un phénomène de pseudo-décidualisation de l’endomètre associé à une involution des glandes endométriales. La vascularisation endométriale se modifie avec la création d’une néovascularisation « instable », une augmentation des surfaces vasculaires et des vaisseaux plus superficiels ; on observe un recrutement important de leucocytes avec la sécrétion de prostaglandines ± prostacycline qui vont induire le relargage de métalloprotéases matricielles venant désorganiser le tissu vasculaire et le fragiliser, favorisant les saignements. L’ensemble de ces processus peut aboutir à une atrophie endométriale « instable » ou « rouge ». Un autre inconvénient des progestatifs est l’absence d’action anti-androgénique, voire parfois un effet légèrement androgénique, d’où le risque d’aggravation ou d’apparition d’une acné qui touche 15 à 20 % des utilisatrices. Enfin, une hypoestrogénie est observée chez 10 à 15 % des utilisatrices de contraception macroprogestative injectable. Les estrogènes pallient les inconvénients des progestatifs Les estrogènes ont peu d’effet sur la LH mais ils exercent une action antigonadotrope sur la FSH, d’où un blocage du recrutement folliculaire cyclique et une diminution des sécrétions endogènes d’estradiol ; à dose égale, l’éthinylestradiol (EE) est 100 fois plus puissant que l’estradiol naturel sur la FSH, et son effet est dose-dépendant. En outre, l’apport d’estrogènes exogènes a un effet substitutif. L’association estroprogestative permet une imprégnation estrogénique plus stable pendant la prise des comprimés actifs. Lors de l’arrêt entre les plaquettes, la fonction ovarienne redémarre assez rapidement ; les taux d’estradiol atteignent des valeurs d’autant plus élevées que l’intervalle libre entre deux plaquettes est long ; la réduction de cet intervalle permet de diminuer la réascension de l’estradiolémie. Finalement, les estroprogestatifs vont exercer un effet favorable chez les patientes souffrant de syndrome prémenstruel en « lissant » les fluctuations hormonales au niveau ovarien. Néanmoins, on peut parfois observer chez des femmes sous estroprogestatif des signes de syndrome prémenstruel liés soit à un dosage en estrogènes trop élevé, soit à une action antigonadotrope insuffisante sur la FSH entraînant une sécrétion d’estradiol endogène plus marquée, qui se surajoute aux estrogènes exogènes. Ils améliorent la tolérence cyclique Les estrogènes ont aussi un effet favorable sur l‘endomètre. Ils exercent un effet mitotique important permettant sa croissance en période post-menstruelle, et un effet sur l’endomètre en augmentant la vascularisation dans le tissu conjonctif sous-endométrial. Ils induisent la synthèse des récepteurs de la progestérone, ce qui rend le tissu endométrial plus sensible à cette hormone. Lorsque la contraception estro-progestative (COP) est prescrite en schéma discontinu, la phase proliférative est très courte (max 7 jours) ; la croissance et la différenciation glandulaire s’interrompent rapidement ; l’activité sécrétoire de ces glandes est très faible ; au bout d’une dizaine de jours, on observe une pseudo-décidualisation du stroma. L'atrophie endométriale est de le plus en plus marquée à mesure que les cycles artificiels se succèdent. A contrario, chez les femmes bénéficiant d'un régime étendu de contraception estroprogestative (EE 30 μg/LNG 150 μg 84 jours puis placebo 7 jours), une atrophie endométriale stable est observée 9 jours avant la fin de la plaquette chez les deux tiers des femmes. La tolérance endométriale des estroprogestatifs est bien meilleure que celle des microprogestatifs : moins de métrorragies (5-10 % vs 30-40 %), et ce quel que soit le schéma mono- ou multiphasique ou étendu ou discontinu. La tolérance endométriale de certains progestatifs de 3 e génération serait meilleure que celles des 2 e G ; les formes extra-orales des COP (patch et anneau vaginal) auraient une meilleure tolérance endométriale, selon des métaanalyses d’études avec des niveaux de preuve peu élevés. En cas de métrorragies sous COP, après avoir réalisé un bilan étiologique, un changement de contraceptif peut être proposé au profit d’une COP plus fortement dosée en estrogènes ou comportant un autre progestatif (plutôt de 3 e G ou forme extra-orale) mais il est inutile de switcher pour une COP multiphasique. Un effet bénéfique sur les signes d'hyperandrogénie Les estrogènes ont potentiellement un effet anti-androgénique qui peut être mis à profit en cas d’hyperandrogénie, responsable d’acné, d’hyperséborrhée et d’hirsutisme. Dans cette situation, les estroprogestatifs sont intéressants par plusieurs mécanismes : l’effet antigonadotrope inhibe la stéroïdogenèse ovarienne, donc la production d’androgènes ovariens ; l’effet de premier passage hépatique des estrogènes entraîne notamment une élévation de la SHBG qui s’accompagne d’une séquestration des androgènes circulants donc d’une réduction de leur fraction biodisponible ; cet effet est dose-dépendant ; enfin le progestatif possède un effet anti-androgénique intrinsèque qui peut s’exercer soit sur les récepteurs cutanés, soit en amplifiant l’effet antiandrogénique des estrogènes au niveau hépatique. Tous les COP ont un effet favorable sur l'acné ; certains seraient peut-être un peu plus efficaces sur l'acnée selon une métaanalyse un peu ancienne (2012). Les recommandations actuelles sont de débuter par une COP 2G ou par une 3G contenant du norgestimate, et en cas d’inefficacité sur l’acné de proposer une autre COP. Il en est de même de la prise en charge de l’hirsutisme où les COP avec un progestatif antiandrogénique sont proposées en 1 re intention. Cette stratégie a d’ailleurs été récemment validée par une conférence de consensus sur la prise en charge du SOPK. Les estrogènes ont donc un intérêt indéniable pour améliorer la tolérance de la contraception comparativement aux progestatifs seuls. Néanmoins, qu’il s’agisse de l’estradiol naturel (E2) ou de l’EE, quelle que soit la dose, les estrogènes ont un impact sur le métabolisme hépatocytaire qui pose la problématique du risque vasculaire. En effet, ils favorisent l’augmentation de l’angiotensinogène, du cholestérol et des triglycérides, et ils perturbent la coagulation (augmentation des facteurs procoagulants, diminution des facteurs anticoagulants naturels, et augmentation de la résistance à la protéine C activée). L’impact de ces perturbations sera négligeable chez les femmes non prédisposées au risque vasculaire, contrairement aux femmes ayant une thrombophilie préexistante, une hypertension ou une dyslipidémie. Le risque vasculaire des COP est avéré (risque de TEV x 2-4, d’IDM ou AVC x 2), mais l’incidence des événements est faible en valeur absolue, en particulier chez les femmes jeunes. La vigilance s’impose toujours chez les femmes ayant des facteurs de risque (tabagisme, diabète, obésité, hypertension, dyslipidémie, migraine, surtout avec aura, thrombophilie). Quel type d’estrogène choisir en contraception ? La COP a beaucoup évolué depuis son initiation dans les années 1950 grâce aux efforts conjugués de Margaret Sanger, Katherine Dexter McCormick et Gregory Pincus. Depuis la première combinaison de noréthynodrel, progestatif androgénique, et de mestranol visant à normaliser les cycles, ce dernier a rapidement été remplacé par l'EE, dont les dosages ont progressivement diminué et la gamme des progestatifs s'est élargie. La grande nouveauté de ces dix dernières années est la mise au point de COP à base d’estrogène naturel, dans l’objectif de rendre la COP plus sûre. Zoely ® a ainsi été lancée en 2012. Zoely ® a fait la preuve de son efficacité thérapeutique comparativement à une pilule associant la drospirénone à l’EE. Zoely ® doit son efficacité contraceptive à l’acétate de nomégestrol (NOMAC), un progestatif fortement antigonadotrope, associé au 17-β estradiol, estrogène naturel (2,5 mg/1,5 mg). Le schéma d’administration est très simple, monophasique, et novateur, 24/28 jours. Cette courte fenêtre de 4 jours de placebo réduit les effets indésirables observés lors des fenêtres thérapeutiques prolongées (gonflement des seins, ballonnements, troubles de l’humeur, etc.) ; elle augmente l’efficacité thérapeutique, laquelle est déjà assurée par la longue demi-vie de NOMAC (46 h), surtout en cas d’oubli de prise de la pilule. La présence du radical éthinyl sur la molécule d’EE ralentit sa métabolisation. L’EE est 600 fois plus puissant que l’E2, en
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